Source : Cour de Cassation chambre commerciale 30-11-2022
Une cession temporaire d’usufruit de parts sociales de SCI est faite des détenteurs de part, et soumise par eux au droit fixe.
L’Administration taxe au taux de 5% sur la base de la valeur de l’acte, soit celle des parts sociales, un débat fiscal s’instaure et va jusqu’à la Cour de Cassation.
La Cour émet un raisonnement que l’on peut résumer en une phrase : la cession temporaire d’usufruit n’est pas une cession.
Dans un premier temps, elle énonce (article 726 du CGI) les cessions de droits sociaux de sociétés à prépondérance immobilière sont soumises à un droit d’enregistrement proportionnel ;
Puis elle rappelle la définition de l’usufruit (article 578 du Code civil) : l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance. De cette définition, elle en déduit que l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire, de sorte que la cession de l’usufruit de droits sociaux ne peut être qualifiée de cession de droits sociaux.
Et enfin elle reprend le raisonnement de la cour d’appel pour en conclure que la cession de droits sociaux, qui n’emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux, n’est pas soumise aux droits d’enregistrement applicables aux cessions de droits sociaux.
Donc les cessions faites en 2021, 2022 ou 2023, si elles sont temporaires d’usufruit et ont été soumises aux droits proportionnels d’enregistrement car portant sur des parts de sociétés à prépondérance immobilière, peuvent faire l’objet d’une réclamation visant au remboursement des droits payés sous déduction de 125€ (droit fixe).
Premier enseignement de cette jurisprudence.
Mais deuxième conséquence prévisible de cette jurisprudence.
Cette notion d’importance amène pour les praticiens et les théoriciens à se poser la question de la validité du barème actuel fiscal de l’usufruit.
Rappelons que ce barème marche en arrière en partant de 100 ans : on considère que l’usufruit vaut 10% de plus chaque fois que l’usufruiter a dix ans de moins.
Par exemple un usufruitier de 72 ans pèse en valeur 30% du bien, s’il avait 62 ans, il pèserait 40% en valeur du bien. Mais c’est la même chose si l’usufruitier a 79 ans ou 69 ans (c’est toujours 30 ou 40%). L’augmentation de la valeur de l’usufruit se fait une seule fois par décade.
Si la Cour de Cassation dit que l’usufruit cédé ne représente pas une cession, cela veut dire que la donation avec réserve d’usufruit doit être appréciée comme si le nu-propriétaire restait propriétaire de sa partie et donc comme si l’usufruitier était propriétaire de son usufruit.
Or si vous restez propriétaire d’un usufruit, il faut évaluer la valeur de cette propriété, si l’on peut l’appeler ainsi l’usufruit que vous conservez.
Et cette valeur dépend de la qualité du bien, de son rendement, de son utilité économique, en somme ne dépend plus de l’âge.
Vous imaginez que si un bien de 300.000€ est donné à un nu-propriétaire par un donateur de 55 ans et si ce bien rapporte à l’usufruitier 8.000€ de loyers par an, sa valeur n’est pas de 50% comme le prétend le barème fiscal actuel, pour calculer les droits de donation, barème qui estime ainsi la valeur que le nu-propriétaire est censé recevoir.
Supposons que l’usufruitier vive 34 ans de plus (espérance de vie 84 ans), il percevra 34 fois 8.000€, soit 272.000€, soit encore presque 91% de la valeur du bien alors que l’administration fiscale considère que sa valeur fiscale n’est que de 50% pour le nu-propriétaire.
Actuellement le notaire calcule la valeur de la donation en sortant 50% de 300.000€ et calcule les droits de donation sur la base de 150.000€, alors que sur un strict plan économique, la valeur de l’usufruit est à peine de 28.000€.
Et donc les droits seraient dus sur cette base.
Cet arrêt devrait amener une réelle discussion.